Enquête reconnaissance au travail : au stade des premiers balbutiements en France

Résultats de l'enquête nationale sur la reconnaissance au travail

réalisée par l'ANACT, FIDAL et AMPLITUDE

 

reconnaissance au travail

 

La grande majorité des travaux scientifiques et des spécialistes du management développent l’idée selon laquelle le besoin de reconnaissance au travail est ressenti par une part importante des collaborateurs, quels que soient leur statut ou le secteur économique dans lequel ils évoluent. Avec la quête de sens et l’espoir d’évoluer, la reconnaissance est au cœur des aspirations de tout être humain en situation de travail. Pratique difficile à appréhender car multidimensionnelle, la reconnaissance est à la fois individuelle et collective, spontanée ou organisée. Elle peut toucher la personne comme la tâche.

Il est désormais communément admis que la reconnaissance au travail est un élément déterminant pour développer l’identité des individus, donner un sens à leur activité professionnelle, et contribuer au sentiment de bienêtre au travail.

Cette reconnaissance est donc tout naturellement devenue une composante essentielle de la vie au travail. Elle touche toutes les organisations, privées comme publiques, et tous les métiers, du bas en haut de la hiérarchie. Elle peut prendre la forme de revendications salariales, de statuts, mais ce que l’on constate plus globalement c’est une demande plus marquée sur l’humain et le respect que chacun estime devoir recevoir.

Comment les entreprises abordent-elles cette notion de  reconnaissance au travail ? Quelles sont leurs pratiques ? Comment ces dernières sont vécues par leurs employés ? A l’heure où le désengagement des salariés est largement répandu, observé et commenté, la mise en place d’une politique de reconnaissance peut-elle être un moyen d’inverser la tendance ?

C’est tout l’objet de cette enquête, menée auprès de 423 décideurs entre le 19 avril et le 13 mai 2016.

Elle tend à apporter un éclairage inédit sur « l’état de l’art » vu du côté des dirigeants comme des responsables RH.

Philippe ROSSIGNOL
Directeur Général d’Amplitude

 Caractéristiques de l'entreprise

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Effectif de l'entreprise

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Région d'implantation

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Fonction exercée

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Ancienneté au sein de l'entreprise

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Présence d'instances représentatives du personnel au sein de l'entreprise

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Question N°1 :

La politique de reconnaissance au travail de votre entreprise est-elle satisfaisante à vos yeux ?

Des politiques de reconnaissance insatisfaisantes pour la majorité des RH

Une très faible minorité de répondants (9%) estime que leur entreprise « fait ce qu’il faut » au plan de la politique de reconnaissance, alors que 57% estiment qu’elle peut progresser.

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Question n°2 :

Dans votre entreprise, quelles sont les principales sources de reconnaissance ?

Des sources de reconnaissance au travail variées

Les collaborateurs du service, le client et le manager sont les principales sources de reconnaissance dans l’entreprise. Les collaborateurs des autres services et la direction sont aussi, dans une moindre mesure, des sources significatives de reconnaissance au travail selon les répondants RH interrogés.

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Question n°3 :

Dans votre entreprise, quels sont les critères de reconnaissance ?

Un accent porté sur les résultats plutôt que sur les efforts

La plupart des entreprises a un système permettant de reconnaître différents types d’apports du salarié.

Pour autant, 78% des professionnels des ressources humaines estiment qu’au sein de leur entreprise, l’attention est essentiellement portée sur la reconnaissance des résultats. Seuls 46% des entreprises considèrent également l’effort.

A noter que la présence d’IRP n’infléchit guère cette hiérarchie : les entreprises, avec ou sans IRP, valorisent en premier lieu les résultats et l’effort vient en dernier dans les deux cas. Même l’ancienneté garde sa place dans la hiérarchie des critères de reconnaissance.

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Question n°4 :

Envisagez-vous de revoir votre politique de reconnaissance prochainement ?

Si une majorité des répondants est insatisfaite de la politique de reconnaissance au travail (54%) et pense qu’elle peut être améliorée (57%), seuls 13% anticipent un profond changement de cette politique dans un proche avenir. Un peu plus d’un tiers (36%) envisage un changement à la marge.

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Question n°5:

Quelles sont les priorités de votre entreprise en matière de reconnaissance ?

Un système de reconnaissance au travail qui évoluera vers plus de subjectivité

Ce changement dans la politique de reconnaissance passerait par une nouvelle formule dans les ingrédients : ainsi, on compte à l’avenir diminuer la valeur relative accordée aux résultats et aux compétences, mettre plus l’accent sur les comportements et sur les personnes, et augmenter de manière très significative la reconnaissance de l’effort. En conséquence, ce nouvel équilibre se fait au détriment de la reconnaissance de l’ancienneté.

Autrement dit, les critères de reconnaissance les plus difficiles à évaluer objectivement seront davantage pris en considération que les éléments plus objectifs, tels que les résultats ou les compétences. Ce constat laisse présager un certain nombre de mutations, tant au niveau hiérarchique (entretiens d’évaluation), qu’au niveau des outils (grilles d’évaluation) ou encore des négociations sociales.

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Question n°6 :

Quelles formes prennent les modalités de reconnaissance au sein de votre entreprise ?

Des modalités de reconnaissance plurielles

A l’exception des signes symboliques de reconnaissance, les entreprises mobilisent les autres moyens de reconnaissance dans d’égales proportions.

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Focus sur les TPE-PME (Moins de 50 salariés)

A noter toutefois que les répondants des petites entreprises apparaissent plus satisfaits que ceux des autres entreprises, qu’il s’agisse de la politique de reconnaissance au travail mise en place (53%), ou des débats à ce sujet avec les IRP ou la direction (42%). Les récompenses sous forme monétaire prennent moins d’importance dans les petites entreprises (43%). On peut émettre l’hypothèse que la proximité entre les acteurs permise par les petites structures facilite la reconnaissance de la réalité du travail et la qualité des débats sur le sujet.

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Question n°7 :

Quelles sont les conséquences d’une plus grande implication des salariés ?

La recherche de la satisfaction du manager

D’une manière générale, 70% des personnes interrogées estiment qu’un plus fort engagement des salariés aura pour première conséquence la satisfaction du manager. Seule une minorité considère que l’augmentation de l’engagement des salariés aura des répercussions sur des éléments plus « classiques » de la reconnaissance au travail : une augmentation de salaire (36%) et un maintien en emploi (35%).

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Question n°8 :

Les débats au sein des Instances Représentatives du Personnel et du comité de direction répondent-ils à vos attentes ?

La qualité de la politique de reconnaissance dépend de la capacité à en débattre au sein du comité de direction et avec les IRP

Dans leur majorité, les répondants se déclarent insatisfaits des débats au sujet de la reconnaissance aussi bien avec les représentants du personnel (59%) qu’au sein du comité de direction (53%). A noter que 73% de ceux qui sont satisfaits des échanges au sein du comité de direction le sont également de la politique de leur entreprise en matière de reconnaissance. De même, 52% de ceux qui jugent satisfaisants les échanges sur la reconnaissance avec les représentants du personnel et les syndicats le sont également de la politique de leur entreprise en matière de reconnaissance au travail.

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Question n°9 :

Pour quelles raisons ces débats ne répondent-ils pas à vos attentes ?

L’insatisfaction déjà constatée dans les réponses aux questions précédentes est confirmée par les verbatim des répondants. En effet, un fort sentiment de frustration ou de lassitude se fait ressentir face à des débats sur la reconnaissance au travail, les jugeant inexistants, voire de mauvaise qualité, que ce soit au sein de la direction ou avec les IRP. D’ailleurs, comme l’exprime un répondant, on semble avoir un effet miroir : « La structure fait que les IRP adoptent un comportement quasi-identique à celui de la direction. » La critique la plus présente - que ce soit envers le comité de direction ou bien les IRP - pointe l’éloignement entre la réalité du terrain et les attentes des personnels. Le caractère « déconnecté » des débats serait dû à la posture rigide et conformiste des acteurs, à leur faible pouvoir de décision, mais aussi au faible investissement méthodologique sur le sujet.

On peut émettre l’hypothèse que si le sujet de la reconnaissance est mal traité, c’est d’abord parce que les acteurs sont mal équipés pour traiter d’un sujet complexe et porteur de nombreux dilemmes : Individuel ou collectif ? Ancienneté ou compétence ? Résultats ou efforts ? Transparence ou confidentialité ? Devant ces difficultés, les acteurs se réfugient dans le dogme, ou le sujet obligé de la négociation annuelle des rémunérations, ou encore occultent le débat. Autrement dit, la cause du mauvais traitement de la reconnaissance renvoie moins à un problème de posture ou de point de vue des acteurs, qu’aux compétences, méthodes et outils disponibles pour aborder une question complexe et chargée de contradictions.

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Enjeux et perspectives

Les salariés en France manquent-ils de reconnaissance ? Selon notre enquête, la pratique de la reconnaissance au travail est insuffisante ou du moins mal orientée, car trop majoritairement fondée sur la seule récompense des résultats. Certes, une gestion des ressources humaines basée sur des objectifs chiffrés semble a priori plus équitable, mais est-elle pour autant le reflet de la contribution du collectif aux résultats obtenus et notamment pour l’effort réellement consenti par chacun pour bien faire son travail ? Ne pas prendre en compte l’investissement des personnes au motif que le résultat n’est pas atteint, souvent au demeurant pour des causes leur échappant, peut à son tour générer un sentiment d’injustice. Une majorité de dirigeants est convaincue qu’en augmentant les objectifs individuels ils feront croître leur entreprise. De fait, les chefs d’entreprise sont peu attentifs à la pratique réelle de la reconnaissance et dès lors, leur management est peu équipé et impliqué dans sa mise en oeuvre.

Pourtant, de plus en plus d’études démontrent le lien indissociable entre reconnaissance au travail et performance globale de l’entreprise. L’entreprise du futur est un espace de liberté d’expression, de responsabilité partagée, de dialogue social confiant et d’initiative. En ne créant pas les conditions pour valoriser tous les critères de la reconnaissance, l’employeur se prive d’un levier de performance essentiel : l’engagement.

C’est un changement en profondeur de l’organisation de l’entreprise qu’il faut envisager, car fondée sur la reconnaissance de l’effort où il est primordial de faire d’abord confiance au salarié.

Hervé LANOUZIERE
Directeur général de l’ANACT
 
Sylvain NIEL
Avocat associé Droit social de FIDAL